Quand j'ai découvert la dentelle aux fuseaux, ce n'est pas l'admirable complexité des réalisations qui m'a attiré mais la possibilité d'utiliser la technique comme moyen de création. Aussi, après un rapide apprentissage des points essentiels, j'ai vite réalisé mes premiers essais. Mon savoir-faire s'est bien sûr petit à petit amélioré, mais je ne suis toujours pas et ne serai jamais un remarquable artisan.

Les émotions sont toujours bien plus fortes lorsqu’on a supprimé tout ce n’est qu’une inutile poudre aux yeux. Je préfère la sobriété à la profusion (je me sens mieux dans une abbaye romane que dans un palais baroque). Je me méfie du spectaculaire et ne complique jamais gratuitement. Je n’utilise donc que très peu de points différents.

Je ne recherche pas non plus la nouveauté de façon systématique. Je ne pense pas que "contemporain" soit synonyme de "révolutionnaire". Rejeter systématiquement le carcan de la technique traditionnelle pour se lancer dans une folle improvisation débridée masque parfois un douloureux manque d’inspiration.

Que j’intègre une série bien classique de points d’esprit ou que j’emprunte un des nouveaux points fous, que j’utilise différents fils de couleurs ou que je me contente du classique lin blanc, c’est pour communiquer une sensation, une impression et non pour simplement attirer le regard.

Dans mes carnets sont notés les petits détails techniques, les effets particuliers remarqués dans des dentelles anciennes ou contemporaines et qui vont dans le sens de mes recherches. C’est le relief créé par des fils de plus en plus serrés, c’est la profondeur apportée par l’emploi de fils différents, c’est le mouvement obtenu par un fil qui n’a pas assez été tendu… Un simple détail technique peut être à l’origine d’un projet.
Mais la plupart du temps, c’est une image récoltée dans un jardin, dans une rue, dans ma cuisine qui sera le point de départ d’une nouvelle idée. C’est la forme d’un arbre, c’est un mur de brique, c’est un jeu de lumière sur un rideau. Il n’est pas dans mes intentions qu’on reconnaisse un mur, un arbre ou un rideau. Je ne veux montrer qu’un assemblage, qu’un mouvement, qu’un reflet. Ce n’est pas la restitution de l’image qui m’intéresse, c’est ce qu’elle a provoqué profondément en moi. L’abstraction offre bien plus de libertés que le figuratif pour celui qui crée comme pour celui qui regarde. Voilà d’ailleurs pourquoi mes créations n’ont pas de titres !
Pour moi, la dentelle contemporaine doit largement privilégier l'expression par rapport à l'esthétisme. L’originalité d’une œuvre contemporaine est donc forcément indissociable de la personnalité de son créateur qui, s'il est sincère, nous livre ses préoccupations, ses désirs, ses rêves, son vécu, sa vision du monde. Une dentelle peut certes être belle et flatteuse.  Je la préfère gaie, inquiétante, paisible, violente ou folle… Je la désire surtout sincère et émouvante !